Décision importante en matière d’embauche dans l’industrie des valeurs mobilières

12 juillet 2018

Par Sébastien C. Caron, Marie-Noël Rochon et Philippe Ross

La Cour d’appel de l’Ontario condamne deux conseillers en placement pour avoir placé des appels « de courtoisie » aux clients après s’être joints à un nouvel employeur

Le 1er mai 2018, la Cour d’appel de l’Ontario rendait une décision importante à propos de la portée des clauses de non-sollicitation contenues dans les contrats de travail de deux conseillers en placement. L’affaire MD Physician Services inc. v. Wisniewski, 2017 ONSC 2772 (confirmée en appel, MD Physician Services inc. v. Wisniewski, 2018 ONCA 440) met en exergue la zone grise entourant les appels « de courtoisie » pour aviser un client de son départ en présence d’une clause de non-sollicitation.

Joy Sleeth et Duane Wisniewski étaient à l’emploi de MD Physician Services Inc., à titre de conseillers en placement, avant de transférer chez RBC Dominion Securities Inc. Dès le premier jour de leur arrivée, Sleeth et Wisniewski avaient dressé de mémoire une liste de leurs anciens clients et entrepris une série d’appels pour annoncer aux clients leur transfert et ce, malgré qu’ils étaient liés par une clause de non-sollicitation. Il s’agit d’une pratique assez répandue dans l’industrie et qui était jusqu’à maintenant assez souvent tolérée, dans la mesure où elle n’était pas combinée à des manquements du conseiller envers son ancien employeur, comme un manque de loyauté, une appropriation d’information confidentielle ou une autre forme de concurrence déloyale.

MD Physician Services Inc. alléguait que les appels constituaient une violation à la clause de non-sollicitation. Les deux conseillers prétendaient quant à eux, d’une part à de simples appels « de courtoisie » pour informer les clients et, d’autre part, que la clause de non-sollicitation était ambiguë quant à la portée géographique, son applicabilité aux clients éventuels et l’interprétation donnée au terme « solicit » et qu’en conséquence elle devait être invalidée.

Le juge de première instance rejette les arguments des deux conseillers et la décision est confirmée en appel. Les juges rejettent d’abord l’argument de l’ambiguïté du terme « solicit », dont ils estiment que le sens est évident. Ils confirment donc l’applicabilité et la validité de la clause de non-sollicitation. Ils concluent ensuite que le fait de contacter d’anciens clients personnellement par téléphone, suivant une formule prédéterminée, et ce, dès leur arrivée chez RBC, constitue non pas une forme de courtoisie, mais bien une véritable sollicitation. Précisions que les appels se faisaient en deux étapes. Dans la première, les conseillers se contentaient de dire aux clients qu’ils avaient changé d’employeur. Par contre, si les clients posaient des questions ou se disaient intéressés à suivre les conseillers, ces derniers donnaient alors plus d’information sur leur nouvel employeur, expliquaient les services qu’ils offraient et les avantages pour les clients de les suivre. C’est dans ce contexte que la Cour conclut à une forme de sollicitation des clients.

Le nouvel employeur, RBC Dominion Securities Inc., est aussi condamné solidairement pour avoir suggéré aux conseillers de faire les appels « de courtoisie » aux clients.