Êtes-vous prêts pour l’entrée en vigueur des modifications au code de procédure civile le 30 juin 2023 ?

9 juin 2023

Auteur : Sébastien Girard

Le 30 juin 2023 marque la date d’entrée en vigueur de la plupart des modifications apportées au Code de procédure civile par la Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec (la « Loi »), lesquelles visent principalement à simplifier la procédure applicable à la Cour du Québec et à favoriser l’utilisation des modes privés de prévention et de règlement des différends.

Certaines des modifications apportées ont un effet important sur le déroulement des instances. En voici un aperçu.

Compétence concurrente de la Cour supérieure et de la Cour du Québec

La Loi prévoit que lorsque la valeur de la somme réclamée ou que l’objet en litige atteint ou excède 75 000 $ et est inférieure à 100 000 $, la compétence est concurrente entre la Cour supérieure et la Cour du Québec, au choix du demandeur. Les demandes dans lesquelles la somme réclamée ou la valeur de l’objet en litige est inférieure à 75 000 $ sont de la compétence exclusive de la Cour du Québec.

À noter que les demandes introduites avant le 30 juin 2023 dont l’objet est inférieur à l’actuel seuil de 85 000 $ se poursuivront devant la Cour du Québec et demeureront assujetties aux dispositions en vigueur avant cette date.

Rappelons que les changements à l’article 35 du Code de procédure civile et à la Compétence de la Cour du Québec découlent directement du Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35, 2021 CSC 27où la Cour suprême a déclaré le plafond de 85 000 $ inconstitutionnel puisque trop élevé et incompatible avec l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Voie procédurale simplifiée en Cour du Québec

La Loi institue une voie procédurale simplifiée, automatiquement applicable aux litiges civils institués devant la Cour du Québec lorsque la valeur en litige est inférieure à 100 000 $ :

  • Il n’est plus requis de convenir d’un protocole de l’instance, celui-ci étant remplacé par l’échéancier fixe qui est établi par les modifications apportées au Code de procédure civile. Rien dans les modifications n’empêche les parties de convenir entre elles d’un protocole dans la mesure où les nouvelles dispositions sont respectées;
  • La demande introductive d’instance est limitée à cinq pages, sauf autorisation du tribunal;
  • Le demandeur devra, dans les 20 jours de la signification de l’avis d’assignation, communiquer les pièces au soutien de la demande et déposer un avis indiquant la nature et le nombre de témoignages par déclaration qu’il entend déposer et le nombre d’interrogatoires préalables auxquels il entend procéder, ainsi que les expertises dont il entend se prévaloir, pour que le tribunal les autorise, le cas échéant (voir plus bas les restrictions imposées quant au nombre d’interrogatoires oraux)
  • Les moyens préliminaires et incidents devront être déposés dans les 45 jours de la signification de l’avis d’assignation. L’autre partie disposera ensuite de 10 jours pour présenter par écrit ses observations;
  • La défense devra être déposée dans les 95 jours de la signification de l’avis d’assignation, avec un avis indiquant la nature et le nombre de témoignages par déclaration qu’il entend déposer et le nombre d’interrogatoires préalables auxquels il entend procéder, ainsi que les expertises dont il entend se prévaloir pour que le tribunal les autorise, le cas échéant. Il doit communiquer les pièces au soutien de sa défense dans le même délai. L’exposé des moyens de défense devra être d’au plus deux pages, ou de sept si la partie se porte demanderesse reconventionnelle, sauf autorisation du tribunal pour un nombre de pages supérieur;
  • L’expertise est commune si la somme ou le bien réclamé est égal ou inférieur à 50 000 $, sauf décision contraire du tribunal. Cette modification ne vise que les procédures suivant la voie procédurale spéciale.
  • Le droit à un interrogatoire préalable oral sera limité aux affaires où la valeur en litige est égale ou supérieure à 50 000$, sauf autorisation du tribunal (la limite actuelle étant de 30 000 $).
  • Par ailleurs, tout interrogatoire écrit ne pourra contenir qu’au plus trois pages. Cette modification vise tant les litiges visés par la voie procédurale spéciale que ceux qui ne le sont pas. Les déclarations écrites de témoins pour tenir lieu de témoignage peuvent porter sur les faits du litige (et non seulement des faits secondaires), mais ne doivent pas excéder 5 pages, sauf exceptionnellement, sur autorisation du tribunal si des motifs sérieux le commandent.
  • L’origine ou l’intégrité d’un élément de preuve est présumée reconnue, sauf en cas d’opposition par une des parties.
  • Les demandes en précisions et en radiation d’allégations ne seront autorisées par le tribunal que de manière exceptionnelle et pour des motifs sérieux.
  • La tenue d’une conférence de règlement à l’amiable sera obligatoire et aura lieu au plus tôt 130 jours à compter de la signification de l’avis d’assignation et au plus tard 160 jours après cette signification. À défaut de règlement, elle sera convertie en conférence préparatoire à l’instruction;
  • L’inscription pour instruction et jugement est faite par le greffier sur ordre du tribunal, notamment lors de la conférence de gestion ou de la conférence préparatoire à l’instruction, ou au plus tard dans les six mois de la signification de l’avis d’assignation.

 

Préférence aux affaires ayant fait l’objet de médiation avant l’institution des procédures

Les modifications au Code de procédure civile prévoient que les dossiers qui, avant l’institution des procédures judiciaires, ont fait l’objet d’une médiation ou dans lesquels les parties avaient convenu d’un protocole préjudiciaire seront instruits en priorité par les tribunaux. La disposition prévoyant que « la demande alors introduite en toute matière autre que familiale est instruite par priorité si elle est accompagnée d’une attestation […] confirmant [que les parties] ont eu recours à un mode privé de prévention et de règlement des différends ou d’une preuve que les parties ont convenu d’un protocole préjudiciaire », la question se pose de savoir si cette préférence bénéficiera à toutes les affaires où une médiation a été tentée ou si elle sera limitée aux affaires où la médiation avait déjà été tentée au moment de l’introduction du recours. Quoi qu’il en soit, notons que cette règle sera applicable tant en Cour supérieure qu’à la Cour du Québec. Évidemment, la mise en œuvre de cette mesure demeure sujette à la disponibilité du tribunal et donc des ressources et effectifs dont il dispose.

Petites créances

Certaines modifications visent également la Cour des petites créances, dont la possibilité pour les parties de consentir à ce que le tribunal rende jugement sur le vu du dossier pour les dossiers portant sur le recouvrement d’une créance d’au plus 15 000 $.

Conclusion

L’objectif de ces modifications est de faciliter l’accès à la justice en favorisant des services de justice plus rapides et moins coûteux, tout en favorisant les modes privés de prévention et de règlement des différends.  Si les modifications au Code de procédure civile peuvent aider les parties et les praticiens à participer à l’atteinte de ces objectifs, il reste à voir si les tribunaux disposeront des ressources et effectifs nécessaires pour y parvenir.

Par ailleurs, soulignons que l’honorable Marie-Julie Croteau, juge coordonnatrice adjointe à la Chambre civile de Montréal, à la Cour du Québec, présentera une conférence en ligne portant sur la modification de la compétence d’attribution de la Cour du Québec et les nouvelles règles de procédures simplifiées le 14 juin 2023, de 12h30 à 14h, avec le Jeune Barreau de Montréal.

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