Modifications aux règlements découlant de la Loi sur les contrats des organismes publics : plus de souplesse

20 mars 2025

Contexte

Le 20 mars 2025 marque l’entrée en vigueur de la majorité des modifications apportées[1] aux quatre principaux règlements (collectivement, les « Règlements ») adoptés en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics (« LCOP »), soit :

  • Le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics (« RCTC»)
  • Le Règlement sur certains contrats d’approvisionnement des organismes publics (« RCA»)
  • Le Règlement sur certains contrats de services des organismes publics (« RCS»)
  • Le Règlement sur les contrats des organismes publics en matière de technologies de l’information (« RCTI»)

Ceci fait suite à la publication, le 10 avril 2024, de projets de loi à cet effet. Les objectifs annoncés de ces modifications sont de quatre ordres : (1) accorder davantage d’agilité aux organismes publics dans la passation de marchés publics, (2) permettre plus de souplesse quant aux modes de sollicitation et d’adjudication, notamment au niveau de l’appréciation de la qualité, (3) réduire le fardeau administratif des organismes publics et (4) harmoniser les quatre Règlements.

Nous vous présentons ici un sommaire des principaux changements apportés :

  1. Cas de rejet automatique

Les Règlements ont été modifiés afin de retirer comme cas de rejet automatique les soumissions conditionnelles ou restrictives. Ceci permet davantage de flexibilité aux organismes publics pour accepter des soumissions ou demander des corrections aux soumissionnaires.

Dans le cas de RCTC, un second cas de rejet automatique a été revu, relativement aux garanties de soumission. Les modifications ont pour effet de limiter les cas de rejet automatique aux situations d’absence d’une garantie exigée ou d’absence de signature sur une telle garantie. Auparavant, le RCTC prévoyait le rejet automatique d’une soumission si une garantie ne respectait pas la forme et les conditions exigées par l’appel d’offres.

Dans les cas de soumissions conditionnelles ou restrictives ou d’enjeu avec les garanties fournies, les soumissions demeurent non conformes et pourront être rejetées, mais les organismes publics peuvent dorénavant analyser les soumissions reçues et déterminer si elles demeurent acceptables ou si une demande de correction doit être formulée auprès des soumissionnaires.

Le cas du rejet automatique en cas de dépôt de plusieurs soumissions est également modifié dans l’ensemble des Règlements afin de prévoir que la transmission d’une même soumission par voie électronique et sur support papier n’est plus réputée être un dépôt de plusieurs soumissions. Dans un tel cas de figure, la soumission sur support papier sera automatiquement rejetée et seule la soumission électronique sera considérée.

  1. Garantie de soumission pour les contrats de construction

L’article 11 du RCTC est remplacé par un nouvel article qui retire l’exigence antérieure de fournir une garantie de soumission dès que le montant estimé du contrat est de 500 000$ ou plus. Le nouvel article prévoit plutôt qu’une garantie de soumission doit être exigée lorsque le montant estimé du contrat est de 2 000 000$ ou plus. L’entrepreneur doit de plus fournir, avant la signature du contrat, une garantie d’exécution ainsi qu’une garantie des obligations de l’entrepreneur pour gages, matériaux et services.

  1. Appréciation de la qualité dans les appels d’offres de construction

Une modification significative au RCTC, réclamée depuis longtemps, vise l’introduction de la possibilité pour les organismes publics de solliciter une démonstration de la qualité dans le cadre d’un processus en deux étapes, permettant une adjudication selon le prix ajusté le plus bas (le « paramètre k »).

Une telle option n’était pas permise auparavant pour les contrats de travaux de construction (elle l’était seulement pour les contrats mixtes). Cette modification permet donc une harmonisation avec les trois autres Règlements, qui permettaient déjà aux organismes publics de recourir à ce mode de sollicitation.

De plus, l’annexe 5 du RCTC est modifiée afin de prévoir que le paramètre k n’est plus fixé à 15%. Pour les contrats de travaux de construction, le paramètre k doit se situer entre 15% et 30%, alors qu’il doit être fixé entre 15% et 40% pour les contrats mixtes de travaux de construction et de services professionnels.

  1. Rencontres individuelles d’information pour les appels d’offres en deux étapes

Le RCTC et le RCS sont également modifiés afin d’inclure la possibilité, dans le cadre d’un appel d’offres en deux étapes, de tenir des rencontres individuelles d’information avec les soumissionnaires retenus suivant la première étape. Ces rencontres visent à préciser avec chaque entrepreneur/prestataire de services sélectionné les besoins de l’organisme public. Les rencontres doivent s’effectuer en présence d’un vérificateur de processus externe à l’organisme public, qui devra faire rapport sur ses activités dans le système électronique d’appel d’offres (« SEAO »).

  1. Développement durable et contrat de construction

Afin d’harmoniser le RCTC aux autres Règlements, des modifications y ont été apportées afin de permettre la prise en compte d’une spécification liée au développement durable et à l’environnement. Les organismes publics peuvent ainsi accorder une marge préférentielle d’au plus 10% aux soumissions répondant à de telles spécifications. Ceci s’inscrit dans la Stratégie gouvernementale de développement durable.

  1. Contrats à exécution sur demande et refus de donner suite à une demande

Les Règlements[2] prévoyaient, pour les contrats à exécution sur demande conclus avec plusieurs entrepreneurs/prestataires de services, que les demandes d’exécution étaient attribuées à l’entreprise ayant soumis le prix le plus bas puis, au besoin, suivant le rang respectif des entreprises dans l’ordre des prix soumis.

Les modifications apportées aux Règlements maintiennent ce principe, mais apportent toutefois une solution à un problème vécu, soit le cas où l’entreprise devant être sollicitée en premier refuse à plusieurs reprises de donner suite à une demande. Ceci occasionne évidemment des délais pour les organismes publics dans l’exécution de leurs demandes. Pour contrer ceci, les Règlements ont été modifiés afin de permettre aux organismes publics qui auront prévu ces modalités dans les documents d’appel d’offres de ne plus solliciter une entreprise en fonction de son rang, pendant un certain délai, afin de la pénaliser suivant un nombre donné de refus.

Il est à noter que les Règlements ont aussi été modifiés afin de prévoir qu’une telle sanction n’équivaut toutefois pas à un rendement insatisfaisant dans le cadre des évaluations du rendement.

Le RCTC fut également modifié afin d’allonger la durée maximale des contrats à exécution sur demande à 5 ans (antérieurement limitée à 3 ans).

  1. Soumission dont le prix est anormalement bas

Les Règlements sont modifiés afin de retirer l’obligation pour les organismes publics de mettre sur pied un comité pour analyser la soumission et d’abroger le rôle et les responsabilités dévolues au responsable de l’application des règles contractuelles de coordonner les travaux d’analyse.

Le soumissionnaire doit toujours transmettre ses explications quant aux raisons justifiant le prix soumis et l’organisme public se doit d’analyser la situation, mais ce dernier bénéficie d’une latitude dans l’organisation interne et les responsabilités des membres de son équipe quant à cette analyse.

L’obligation d’aviser le Conseil du Trésor du rejet d’une soumission dont le prix est anormalement bas est également abrogée.

  1. Demande de prix à la suite d’une qualification

Des modifications sont apportées aux Règlements afin de permettre aux organismes publics d’accélérer leur processus d’octroi de contrat suivant un processus de qualification d’entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services.

Ainsi, plutôt que de procéder par voie d’appel d’offres auprès des entreprises qualifiées, les organismes publics pourront dorénavant formuler des demandes de prix. Une telle demande de prix doit être diffusée sur le SEAO auprès des entreprises qualifiées et les prix soumis doivent être transmis de manière anonyme puis constaté devant un témoin. Le nom des soumissionnaires et de l’adjudicataire et le prix soumissionné retenu sont publiés de la même manière que suivant un appel d’offres public.

Contrairement aux autres modifications, celles-ci entreront en vigueur seulement le 5 septembre 2025.

  1. Égalité des résultats suivant un appel d’offres

En cas d’égalité des résultats au terme d’un appel d’offres, les Règlements prévoyaient que le contrat serait attribué suivant un tirage au sort. Toujours dans l’objectif de permettre aux organismes publics d’apprécier davantage la qualité des soumissions, les Règlements ont été modifiés afin de prévoir qu’en cas d’égalité, un organisme public peut sélectionner l’adjudicataire soit par tirage au sort, soit en retenant la soumission ayant obtenu la meilleure note pour un critère de qualité prépondérant. Ce choix doit toutefois avoir été précisé dans les documents d’appel d’offres.

  1. Compensation suivant l’annulation d’un appel d’offres

L’article 34 du RCTC est abrogé. Cet article prévoyait certains montants de compensation pour le soumissionnaire qui aurait été adjudicataire advenant l’annulation de l’appel d’offres public postérieurement à l’ouverture des soumissions ou, dans le cas où une évaluation de la qualité est prévue, postérieurement à la tenue du comité de sélection. L’objectif annoncé de cette abrogation est de redonner aux organismes publics la latitude de prévoir le versement de compensations selon les modalités qu’ils jugent appropriées dans le cadre de leurs appels d’offres respectifs.

  1. Autorisations du dirigeant

Plusieurs articles des Règlements ont été modifiés ou abrogés afin de retirer l’exigence d’obtenir une autorisation du dirigeant de l’organisme public préalablement à certaines actions. L’objectif de ces modifications est d’accorder davantage d’agilité aux organismes publics dans la passation de marchés publics et leur permettre de se doter de règles internes permettant une certaine délégation, étant entendu que le dirigeant demeure imputable des décisions prises par l’organisme.

L’autorisation préalable du dirigeant n’est donc plus requise pour le rejet d’une soumission dont le prix est anormalement bas, ni pour la publication d’un appel d’offres lorsque la période de validité des soumissions est supérieure à 45 jours.

Dans le cas du RCA, du RCS et du RCTI, l’obligation d’obtenir une autorisation du dirigeant est également abrogée pour l’octroi d’un contrat dont la durée prévue, incluant tout renouvellement, est supérieure à 3 ans, ou lorsqu’un seul fournisseur a présenté une soumission conforme (ou, suivant une évaluation de la qualité, une soumission acceptable).

  1. Demande de précision

Le délai limite pour formuler une demande de précision n’entraînant pas de modification aux documents d’appel d’offres est dorénavant de 5 jours ouvrables avant la date et l’heure limites fixées par la réception des soumissions (plutôt que 3 jours ouvrables). Les modifications visent à limiter les efforts des organismes publics à répondre à des demandes dans les jours précédant la réception des soumissions.

  1. Délais de publication au SEAO

Les délais de publication des informations relatives aux contrats conclus ont également été revus afin d’accorder plus de temps aux organismes publics pour publier au SEAO certaines informations.

Ainsi, les organismes publics disposent maintenant de 30 jours (plutôt que 15) pour publier certains renseignements initiaux suivant la conclusion d’un contrat (tels le nom de l’adjudicataire et le montant du contrat) et de 120 jours (plutôt que 60) pour la publications des dépenses supplémentaires (suivi d’une reddition annuelle pour les dépassements subséquents, plutôt que 60 jours suivant chaque dépense supplémentaire).

Ces délais demeurent des délais maximaux et les organismes publics peuvent publier plus rapidement les renseignements exigés.

Conclusion

Ces nombreuses modifications apporteront plus de souplesse et d’agilité aux organismes publics, à la fois dans leurs modes de sollicitation et dans leur gestion interne. Les modifications visant l’harmonisation des Règlements seront également bien accueillies et répondront vraisemblablement à plusieurs critiques.

Le présent sommaire des modifications apportées aux Règlements n’est pas une opinion juridique. L’impact de ces modifications sur une situation donnée peut nécessiter des conseils juridiques adaptés. Notre équipe en appels de proposition est là pour vous guider et répondre à vos questions.

 

[1] Suivant les Décrets 142-2025, 143-2025, 144-2025 et 145-2025, tous datés du 19 février 2025, publiés dans la Gazette officielle du Québec du 5 mars 2025, 157e année, no 10.

[2] À l’exception du RCA.